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La désignation d’administrateurs pour gérer les sociétés dont les propriétaires ont  été incarcérés : une nationalisation déguisée?

mohamed brahimi Par Le 01/09/2019

Societe commerciale

En l’absence d’une législation  pénale et commerciale  adaptée à la gestion des entreprises commerciales  en cas de crise , les observateurs avertis suivaient avec curiosité  l’ évolution  des effets  socio-économiques de la politique «  mains propres »   décidée par les autorités en marge du « hirak ».Soupçonnés d’avoir commis des infractions  économiques et financières de grande ampleur, la quasi-totalité  des patrons de grands groupes qui avaient pignon sur rue à l’instar des groupes ETRHB , KouGC , Cevital , Tahkout  , Condor et Amenhyd appartenant respectivement aux hommes d’affaires Haddad, , Kouninef , Rebrab, Tahkout , Benhamadi et Chelghoum  ont été  inculpés par un juge d’instruction  puis mis en détention préventive.

 

Normalement dans un système où l’économie de marché est régie par une législation adaptée , les poursuites pénales et l’incarcération du patron d’une société commerciale  à fortiori s’il s’agit d’une société par actions n’a aucun effet notable sur l’activité et le fonctionnement de cette société. Le code pénal , le code de procédure pénale  et les statuts de la société  prévoient des dispositions  à même de garantir le bon fonctionnement de la société quant bien même le gérant statutaire se trouverait dans l’impossibilité  d’exercer ses fonctions ou que le juge décide d’une mesure conservatoire ou définitive touchant le patrimoine de ladite société.

Au regard de notre législation pénale et commerciale inadaptée notamment dans le volet relatif au fonctionnement des  sociétés commerciales  et  à la non maitrise des outils du droit des affaires  par la plupart des propriétaires  des sociétés commerciales  d’une part  et le manque de spécialisation des magistrats notamment ceux en  charge des dossiers ayant des incidences  sur le fonctionnement des personnes morales , les spécialistes  en droit des sociétés redoutaient un véritable «  bug  économique » induit par l’emprisonnement  de ces chefs d’entreprises. Ces prévisions se sont rapidement concrétisées puisque des informations recoupées font désormais état de graves disfonctionnement  dans la plupart de ces sociétés.Ainsi il est envisagé des compressions d’effectif dans certaines sociétés qui n’arrivent plus à honorer même leurs obligations salariales.Plus grave encore, le climat des affaires délétère induit par la campagne  d’emprisonnement de ces hommes d’affaires  joint au ralentissement  de l’activité économique fait craindre non seulement une récession mais un véritable effondrement de l’économie si des mesures urgentes ne sont pas prises.

Conscient de  ce risque imminent , le gouvernement  a  tenté d’y remédier et durant ce mois de juin  il a annoncé la mise en place  d’un dispositif de sauvegarde avec un comité intersectoriel  ad-hoc qui sera chargé d’accompagner les entreprises ou sociétés en difficulté  dont les patrons ont été incarcérés.Le communiqué de ce comité ad-hoc  a fait savoir qu’il a proposé la désignation d’administrateurs qualifiés  chargés d’assurer  la continuité de la gestion des entreprises privées objets de mesures conservatoires.

Suivant ce communiqué  ce dispositif de sauvegarde concerne  les sociétés dont les comptes bancaires ont été gelés par la justice. Il s’agira  « de proposer aux autorités judiciaires  compétentes  la désignation d’un administrateur ( indépendant et /ou séquestre) justifiant de qualités avérées pour assurer la continuité de la gestion de la société, en concertation avec ses organes sociaux et/ou de management ». Cet administrateur sera aussi chargé « de  superviser les activités de l’entreprise ,de contrôler les flux financiers  et les approvisionnements et de veiller à la préservation du patrimoine de l’entreprise  et à la continuité de ses activités ».

D’emblée le communiqué précise que seules les sociétés dont les comptes bancaires ont été gelés par décision de justice seront concernées par le dispositif.Mais sachant que  les poursuites judiciaires  ont été engagées tant à l’encontre des personnes physiques  que des personnes morales  et pour des infractions  économiques et financières , la procédure du gel  du compte bancaire devra certainement toucher l’ensemble des  sociétés poursuivies et dont les gérants ont été incarcérés.

Dans un récent communiqué, le  procureur général  d’Alger  annonça que le juge d’instruction a rendu en date du 22 aout 2019 des ordonnances désignant des administrateurs chargés de la gestion des sociétés appartenant aux hommes d’affaires Haddad,Tahkout et Kouninef.Suivant ce communiqué cet acte d’instruction a été décidé par le juge d’instruction à l’effet  d’assurer la pérennité des activités des dites sociétés , de préserver les postes d’emploi et d’honorer leurs engagements envers les tiers .Le même communique précise que cette procédure a été ordonnée  conformément aux dispositions du code de commerce et du code de procédure pénale et devra aussi concerner  l’ensemble des autres sociétés  dont les propriétaires font objet de poursuites pénales.

La décision du juge d’instruction ordonnant la désignation d’administrateurs  pour gérer ces  sociétés a été prises suite à l’inculpation de leurs propriétaires puis leur placement  en détention préventive  et  ce après qu’une autre ordonnance ultérieure prescrivant le gel des comptes bancaires de ces mêmes sociétés ait été rendue par le même juge. 

Bien  qu’il est dans le pouvoir du  juge d’instruction   d’ordonner  la saisie ou le gel des comptes bancaires d’une personne morale dont le propriétaire est l’objet de poursuites pénales , on est en droit de  se demander si la décisions prise par le juge d’instruction portant gel des comptes bancaires des  trois sociétés sus-indiqués telle qu’annoncée  dans ses effets est une décision  juridiquement fondée .La question se pose encore avec plus d’acuité pour l’ordonnance du même juge portant désignation d’administrateurs pour gérer ces sociétés.

Il est pour le moins étonnant que tous les experts ayant donné un avis sur ces deux ordonnances du juge d’instruction n’aient pas relevé les vices de forme et  de fond susceptibles d’entacher  ces deux décisions judiciaires  et par conséquent font courir à leur encontre une éventuelle censure par la chambre d’accusation ou la Cour suprême en cas de recours. Tous ont perdu de vue qu’on se trouve ici devant une procédure pénale et non pas une procédure civile ou commerciale , et par conséquent toute décision judicaire  prise dans le cadre de cette procédure doit être prévue par  une disposition expresse du code pénal, du code de procédure pénale  ou éventuellement par une autre disposition législative  de caractère pénal.Rien  n’autorise ni le juge d’instruction ni aucune autre juridiction d’asseoir une décision  de gel d’un compte bancaire d’une société commerciale ou  de désignation d’un administrateur  pour gérer  cette société en référence au code de commerce ou au code civil. Aussi  le communiqué du procureur général indiquant que les administrateurs ont été désignés et chargé de la gestion de ces sociétés en vertu du code de commerce accolé au code de procédure pénale laisse perplexe.

Pour bien appréhender  le processus légal  de la saisie  pénale ou de mise sous scellé  du patrimoine  d’une personne physique ou morale  objet de poursuites pénales  , et  vérifier le bien fondé ou non d’une décision  judiciaire de saisie ou de gel  d’un compte bancaire d’une société commerciale et ses effets sur sa gestion ou son fonctionnement , il ya lieu dans le cas d’espèce de  préciser le processus ayant  conduit à la désignation d’administrateurs.

Pressé et acculé par les événements du 22 février, les pouvoirs publics ont donc décidé d’une campagne de lutte  contre la corruption  et   la délinquance économique et financière qui a gangréné le tissu social et économique du pays.Ainsi les patrons de plusieurs sociétés  dont celles susmentionnées ont  été poursuivis  et renvoyés devant  un juge d’instruction  du chef  entre autres de corruption ,  trafic d’influence , blanchiment d’argent et passation de marchés publics en violation des dispositions législatives et réglementaires en vigueur .Le premier acte décidé par le juge d’instruction  suite à un réquisitoire rendu par le procureur de la république a été bien sûr d’inculper les patrons  de ces groupes et incidemment inculpé les dits groupe  ou sociétés en cette qualité de personnes morales.Pour assurer une éventuelle confiscation  ultérieure par la juridiction du jugement du patrimoine de ces sociétés au cas où il serait prouvé que ce patrimoine a été le produit des infractions objet des poursuites  , le juge d’instruction a cru utile dans un premier temps de geler les comptes bancaires de ces sociétés et dans un deuxième temps de soustraire la gestion de ces sociétés aux inculpés pour la confier à des administrateurs.

Il n’est pas ici question de défendre  des patrons de groupes privés qui  pour certains d’entre eux ont incontestablement profité d’un monopole acquis illégitimement  du fait  de  leur proximité  avec certains décideurs, mais il est aussi clair que force doit rester à la loi surtout quant il s’agit de décisions judiciaires  qui pourraient faire jurisprudence et qui en outre sont susceptibles  d’impacter gravement la situation déjà délicate de l’économie  du pays alors que d’autres mesures pénales  plus  adéquates à même de préserver  les intérêts de l’Etat existent .  

D’emblée et comme déjà indiqué il est de droit et de jurisprudence constante que toute mesure  ordonnée par  une juridiction pénale doit être expressément prévue par une disposition législative  spéciale précise et claire . C’est là un principe intangible confirmé d’ailleurs par l’article 1 du code pénal :«  Il n’ya pas d’infraction, ni de peine ou de mesure de sûreté sans loi ». Ce principe de la légalité des délits et des peines  s ’applique aussi aux peines complémentaires et aux mesures de sûreté .Les deux mesures ordonnées par le juge d’instruction en l’occurrence le gel des comptes bancaires des sociétés en cause et la nomination d’administrateurs pour gérer ces sociétés  et qui constituent des mesures conservatoires c'est-à-dire des mesures qui ont un but préventif sont-elles prévues  expressément par un texte de loi ?Si la réponse est non , ces mesures seraient frappées de nullité absolue au visa de la violation et de la fausse application de la loi qui est un des moyens de cassation prévu par  l’article 500 -7 du code de procédure pénale

Concernant d’abord la mesure portant gel des comptes bancaires des trois sociétés en cause ,il est évident que cette mesure est prévue par plusieurs dispositions pénales .Ainsi l’article  40 septiès du code  de procédure pénale dispose que :«  le juge d’instruction peut,d’office ou sur réquisition du ministère public, et à tout moment  de la procédure , ordonner toute mesure conservatoire ou de sûreté  en plus de la saisie des profits de l’infraction ou de ceux ayant servi à sa commission ». Les articles  9 , 15 , 15 bis 1 et 18 bis du  code pénal autorise la confiscation de la chose qui a servi à commettre l’infraction ou la chose qui en est le produit , ce qui à contrario autorise le juge d’instruction à ordonner la mesure de gel préventive des avoirs d’un compte bancaire susceptibles d’être ultérieurement confisqués  par la juridiction de jugement. La loi du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption prévoit expressément dans son article 50 le gel  par décision de justice des revenus et biens illicites provenant d’une ou de plusieurs infractions prévues par cette loi .En outre la loi du 6 février 2005 relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent autorise dans son article 30 la saisie  et la confiscation des produits du blanchiment d’argent.

Malgré tous ces textes il n’en demeure pas moins que  la problématique du gel ou de la saisie conservatoire des comptes bancaires à proprement parlé  ne fait pas l’objet de dispositions législatives spécifiques ce qui rend son application effective problématique et explique l’imbroglio  constaté  dans sa misz en oeuvre. En vérité l’expression «  gel du compte bancaire » est juridiquement inappropriée car il s’agit en fait de saisie ou du gel  des sommes inscrites au crédit du compte bancaire .Juridiquement ce n’est pas le compte qui est gelé ou saisi  mais les sommes inscrites à son crédit.Ceci étant , le problème dans la décision du juge d’instruction n’est pas tant dans la mesure de gel elle-même mais dans les modalités de son application. D’après les informations rendues publiques notamment le communique publié par  la société mixte algéro-espagnole Fertial objet elle aussi de poursuites pénales et de gel de ses comptes bancaires, l’ordonnance du juge d’instruction telle qu’a été appliquée par la banque  a entrainé le blocage total de ses comptes  ce qui a induit  l’impossibilité de réaliser la moindre opération sur ces comptes entrainant de facto le non versement des salaires des travailleur de l’entreprise et l’impossibilité d’honorer ses engagements envers ses créanciers .

Il est clair que l’ordonnance de gel des comptes bancaires émise par le juge d’instruction a été soit mal formulée, soit mal interprétée par la banque qui l’a exécutée .Le juge d’instruction étant dans l’obligation légale sous peine de censure de motiver son ordonnance notamment en visant le texte de loi applicable ,cette ordonnance  devait préciser les modalités d'application de la mesure de gel ce qui apparemment n’a pas été le cas .Tout d’abord  la mesure conservatoire touchant un compte bancaire  tend  comme déjà mentionné non pas à bloquer ce compte  mais  seulemelement à geler les sommes  inscrites au crédit de ce compte  et à concurrence , le cas échéant , du montant indiqué dans la décision de saisie ou de gel. En outre les sommes saisies sont celles présentes au crédit du compte au jour de l’exécution  de la saisie ou du gel et en conséquence les sommes qui y entrent  après ne devraient pas être saisies ou gélées.Le compte continue de fonctionner normalement  après l’exécution de la saisie.Il est donc nécessaire avant d’ordonner la saisie ou le gel,  d’établir le montant des sommes présentes sur le compte à saisir.Si les sociétés en cause ont été interdits d'accès à leurs comptes bancaires respectifs et empêchées  d'en disposer librement  exeption faites des sommes gelées par la décision du juge,on serait là devant  une violation de la loi.

Ensuite et en application de l’article 51  de la loi du  20 février 2006  relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, les avoirs inscrits sur un compte bancaire saisis ou gelés doivent provenir de l’infraction objet des poursuites et ces avoirs doivent être la propriété de la personne poursuivie qui doit en avoir la libre disposition.Il est aussi de jurisprudence  qu’une décision judiciaire de saisie ou de gel doit obéir au principe de proportionnalité  c'est-à-dire  ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Sous peine d’être censurée  pour défaut ou d’insuffisance de motifs visé à l’article 500-4 du code de procédure pénale, l’ordonnance du juge d’instruction prescrivant le gel des avoirs inscrits sur un compte bancaire  doit donc satisfaire  à toutes ces exigences et en faire mention dans le corps de cette ordonnance .

Dans le cas d’espèce , il est évident que la procédure de saisie et le gel des comptes bancaires  a été mal appliquée. Il  n’était pas dans le pouvoir du juge d’instruction , à supposé que c’est lui qui a ordonné cette mesure extrême, de bloquer totalement ces comptes et interdire à ses titulaires d’en disposer librement. En outre s’agissant de sociétés commerciales dont certaines ont la  forme de sociétés par actions  ou de groupement de sociétés créées depuis une longue date et activant en toute légalité apparente jusqu’à preuve du contraire , il n’est pas évident que l’ensemble des avoirs de ces sociétés en numéraires soient issus en totalité des infractions objet de poursuites et en outre , ces avoirs ne sont pas la propriété exclusive du seul gérant puisque par définition ces sociétés sont aussi la propriété des autres actionnaires au prorata de leurs actions .

Aussi la mesure la plus judicieuse qui aurait préservé  les intérêts de l’Etat ainsi que les intérêts des milliers  de travailleurs de ces sociétés et éviter une crise des liquidités susceptible de mettre en péril  ces société  , était soit la saisie préventive  d’une somme  déterminée fixé en fonction  des infractions objet des poursuites , soit éventuellement  surseoir à la saisie  et au gel jusqu’a ce qu’une enquête  patrimoniale complète  soit diligentée et qui détectera sans erreur  les biens  corporels et incorporels susceptibles de confiscation donc de gel mais surtout  éclairer le juge d’instruction  sur l’opportunité d’une saisie  compte tenu de son coût social exorbitant . Ceci était d’autant plus nécessaire que même dans les pays  où la justice est rompue aux procédures pénales de saisies et de confiscations, les magistrats en charge de ces dossiers complexes sont conseillés dans leurs décisions notamment celles de saisie et de gel du patrimoine des inculpés par une agence spéciale. Ainsi en France, l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués est l’interlocuteur des magistrats  à qui  elle  prodigue les orientations ainsi que l’aide juridique et pratiques à la réalisation  des saisies et confiscations envisagées ou à la gestion des biens saisis et confisqués.

Quid de la désignation d’administrateurs  pour gérer ces trois sociétés dont les comptes  bancaire ont été gelés ? cette deuxième mesure ordonnée par le juge d’instruction est-elle conforme à la loi ?Si la saisies des comptes de ce sociétés comme nous l’avons indiqué laisse dubitatif  , le doute  est beaucoup  plus  présent  s’agissant  de la légalité de cette dernière mesure. Comme mentionné , toute  peine complémentaire doit être prévue par un texte de loi.Nulle part dans le code pénal ou le code de procédure pénale ni dans aucun autre texte de loi ,il n’est mentionné ou autorisé la mise sous séquestre d’une société commerciale dont les propriétaires sont poursuivis et inculpés par un juge d’instruction. Nommer des administrateurs par ordonnance du juge d’instruction  à l’effet  de gérer des sociétés commerciales au motif  que leurs propriétaires ou gérants statutaires sont inculpés et incarcérés  ou que cette mesure est devenu nécessaire  pour préserver  les postes d’emploi et assurer la pérennité des activités des dites sociétés alors même qu’aucune loi ne l’autorise est une aberration juridique et constitue une mesure ne reposant sur  aucun fondement légal. Il  s’agit ni plus ni moins que d’une nationalisation déguisée.

Parler de nationalisation ou d’expropriation déguisée n’est pas exagéré  surtout qu’avant que le juge d’instruction ne rende son ordonnance de désignation d’administrateurs, les pouvoirs publics en la personne du premier ministre avaient annoncé la mise en place  d’un dispositif de sauvegarde avec un comité intersectoriel  ad-hoc qui sera chargé d’accompagner les entreprises ou sociétés en difficulté  dont les patrons ont été incarcérés .Cette décision qui en droit est une décision administrative susceptible elle aussi d'un recours denat la juridiction administrative a ouvert  la voie au dessaisissement  des gérants et actionnaires des sociétés mises en cause et au transfert de la gestion de tous leurs actifs à un administrateur  nommé par  voie de justice.

En l’absence d’une disposition législative  prévoyant la peine complémentaire ou de sûreté autorisant la désignation d’administrateur  pour gérer provisoirement  une société ou autre personne morale  en lieu et place du  gestionnaire statutaire, il n’ya pas lieu à ordonner une telle mesure  par un juge d’instruction et ce qu’elle qu'en soit les motifs. Seule la juridiction de jugement ,si les faits objets des  poursuites  sont avérés et la peine principale prononcée , peut ordonner  au titre de la peine complémentaire la confiscation totale ou partielle des biens de la personne physique ou morale.

Devant le vide juridique, il faut s’attendre à ce que la  gestion des sociétés confiée à des administrateurs qui plus ne maitrisent pas suffisammnet les outils juridiques complexes inhérent à la fonction d ’administrateur-syndic judiciaire  , débouche inexorablement au mieux à un disfonctionnement  préjudiciable et  au pire à la faillite et au  dépôt de bilan de ces sociétés. Il  ne peut en être autrement alors  qu’en matière commerciale , les procédures  de  gestion des sociétés par des syndic-administrateurs en cas faillite ou de règlement judiciaire sont  extrêmement complexes  alors que ces procédures sont  pourtant régies par 173 articles du code de commerce. S’agissant d’une mesure pénale et non pas commerciale, l’administrateur désigné par le juge d'instruction ne peut se référer  au code de commerce puisque aucun texte législatif ne prévoit une telle possibilité alors  que les pouvoirs et prérogatives du syndic-administrateur désigné par le juge commercial en cas de faillite ou de règlement judiciare n'ont aucun rapport avec la saisie pénale .Cette gestion ne pourra être que chaotique surtout que les sociétés en cause sont des sociétés par action ou carrément des groupements de sociétés  ce qui compliquera leur gestion. Le juge d’instruction lui-même sera dans l’incapacité de surveiller le bon déroulement de la gestion confié à l’administrateur car il ne dispose pas d’outils juridique à même  d’assurer  une telle surveillance.

En résumé  qu’il s’agisse de  la mesure portant gel des comptes bancaires  des trois sociétés mises en cause  ou de la mesure désignant des administrateurs pour gérer ces mêmes sociétés  , le bien-fondé  de ces deux mesures conservatoires est  critiquable  et contestable à bien des égards. Les recours que les intéressés ne manqueront pas d’introduire contre ces deux ordonnances  du juge d’instruction sera l’occasion  pour la chambre d’accusation mais surtout pour la Cour suprême de faire œuvre de jurisprudence en la matière. Il va sans dire que ces deux hautes juridictions ne pourront que prendre acte de l’absence de dispositions législatives de caractère pénal  régissant et détaillant   les procédures de la saisie pénale  et de la confiscation définitive ou préventive du patrimoine des personnes physiques ou morales inculpées ou condamnées.Aussi il est impératif que le législateur algérien intervienne  pour combler ce vide juridique préjudiciable aussi bien à une bonne administration de la justice qu’au justiciable  et aux intérêts  de la société .

Par Mohamed BRAHIMI

Avocat à la cour