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La règle de la collégialité en matière de référé administratif

mohamed brahimi Par Le 01/10/2015

 

La règle de la collégialité en matière de référé administratif dans le nouveau code de procédure civile et administrative  : une règle inappropriée et mal conçue

Mais qui a eu cette idée saugrenue d’instituer  en Algérie «  le référé administratif en formation collégiale » , une institution qui n’a pratiquement pas son pareil dans le monde.Dans toutes les législations ,il est institué un système judiciaire qui permet au justiciable , si certaines conditions sont réunies notamment la condition d’urgence , de solliciter du juge une décision rapide et dans certains cas une décision sur le champ .C’est la procédure du référé. De tout temps , en droit algérien et en droit comparé ,le référé aussi bien de droit commun qu’administratif, a été confié à un juge unique.Le système du juge unique en matière de référé peut aisément se comprendre.La rapidité et la célérité qui caractérise la procédure du référé est incompatible avec la collégialité qui elle se caractérise par la lenteur.Ceci est d’autant plus vrai quand  il s’agit du référé administratif.

Alors que le nouveau code de procédure civile et administrative promulgué en 2008  était censé  simplifier les procédures judiciaires tant civiles qu’administratives et tendait à accélérer le jugement des affaires  portées  devant les juges, les praticiens du droit notamment les avocats ont été surpris par la décision du législateur de confier le référé administratif non pas à un juge unique ,comme c’était le cas dans l’ancien code de procédure ,mais à une formation collégiale.Pour  cerner les dégâts causés par cette « rétro réforme » instituant la collégialité en matière de référé administratif,il faudrait revenir sur la fonction du juge des référés.

En droit judicaire privé comme en contentieux administratif ,  la procédure du référé répond au besoin de traiter rapidement un litige ou une question qu’une procédure judiciaire traditionnelle mettrait beaucoup de temps à régler. Le référé se caractérise donc par la rapidité et l’économie  de temps.Dans une procédure normale, notamment la procédure administrative où l’instruction du dossier par le rapporteur est la règle, le prononcé du jugement peut prendre beaucoup de temps.Si ce formalisme constitue un gage de célérité dans le traitement du dossier,l’inconvénient réside dans la lenteur de la procédure ce qui pourrait être préjudiciable pour le plaideur.Ainsi par exemple si des travaux sont entrepris et que ceux-ci ont  causé des fissures dans les murs d’un immeuble mitoyen susceptibles d’entraîner son effondrement, il est indéniable que le recours à la procédure judicaire normale ne peut pas assurer une décision rapide ordonnant l’arrêt de ces travaux.Aussi c’est par le recours à la  procédure du référé que le danger peut être écarté en permettant au juge d’ordonner le jour même ou sur le champ l’arrêt des travaux litigieux .

Pour permettre au juge des référés de statuer sur les requêtes qui lui sont soumises dans les meilleurs délais , il est donc nécessaire de recourir à la formule du juge unique qui est un gage indispensable pour assurer la rapidité du traitement des dossiers. Il est indéniable que le recours à la formation collégiale entraînerait l’allongement des procédures ce qui est antinomique avec la nature du référé.En outre il n’est pas nécessaire ni souhaitable que les procédures de référé soient soumises au dépôt du rapport par le commissaired’Etat.Ces deux règles ( juge unique et non intervention du commissaire d’Etat) étaient applicables avant 2009 c'est-à-dire avant la promulgation du nouveau code.

Devant la juridiction de droit commun,le problème de la collégialité ne se pose pas puisque dans tous les cas de figure , toutes les sections du tribunal relèvent du juge unique.L’ancien code de procédure civile  ( l’article 171 bis) a confié au président de la chambre administrative c'est-à-dire à un juge unique compétence pour statuer en matière de référé et a supprimé la formalité du dépôt de rapport par le ministère public.Le nouvel article 917 du code de procédure civile et administrative   est sans  ambiguité. Il stipule que : « Il est statué en matière de référé par la formation collégiale chargée de statuer sur l’action au fond ».Ce revirement incompréhensible a on s’en doute  impacté considérablement et négativement le référé administratif.Bien que les dispositions du nouveau code de procédure civile et administrative n’exige pas expressément la formalité du dépôt du rapport pas le commissaire d’Etat,les tribunaux administratifs ont fait de cette dernière formalité une exigence ce qui s’ajoute à la lenteur de la procédure. 

Aujourd’hui,la durée moyenne pour statuer sur un dossier de référé peut facilement dépasser les deux mois.Aussi on peut se demander quels sont motifs qui ont poussé le législateur à  revenir sur le juge unique en matière de référé administratif et à instaurer la collégialité.Le bon sens , la célérité dans le traitement de certains litiges sensibles et une bonne administration de la justice auraient dû militer pour le renforcement des pouvoir du juge des référés  en confiant cette charge à un juge unique c'est-à-dire au président du tribunal administratif .Paradoxalement,si les concepteurs du  nouveau code de procédure civile et administrative  ont effectivement considérablement élargi le champs d’intervention du juge des référés en instituant par exemple le référé- liberté , le référé -suspension ou le référé- constat , il a grandement dévoyé cette réforme  en  faisant juger les affaires de référé par la formation collégiale et en présence du commissaire d’Etat.

On pourrait penser que le législateur , en instituant la collégialité en matière de référé administratif ait  voulu donner plus de garanties au justiciable qui verra sa demande jugé par trois juges et non pas par un juge unique. Cet argument s’il est justifié quant il s’agit d’instances normales ,  il n’est pas pertinent en matière de référé et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord même à supposer que la probabilité pour un juge unique de se tromper est supérieur à celle d’un tribunal en formation collégiale, l’erreur commise peut être rectifiée et l’ordonnance de référé peut être rapportée ou carrément annulée car le principe est que les ordonnances de référé ne tranchent pas le principal et n’ont qu’un caractère provisoire dépourvu de l’autorité de la chose jugée .Ensuite le juge administratif chargé de statuer sur les requêtes en référé étant en règle générale le président du tribunal administratif lui-même ou à défaut le plus ancien des magistrats du tribunal, le risque qu’une décision  soit entachée d’une erreur d’appréciation grossière est nul.Ensuite, le juge des référés n’étant pas un tribunal distinct mais seulement une émanation de la juridiction dont il relève, le juge des référés statuant seul peut toujours se dessaisir  d’une affaire complexe  et renvoyer le dossier à la formation collégiale pour y être jugé suivant les formes conventionnelles.

Il est donc indéniable  que l’option de la collégialité en matière de référé administratif  choisie par le législateur algérien n’est pas concluante puisque ses avantages sont sans commune mesure avec ses inconvénients. La célérité et la rapidité qui caractérisaient les procédures de référé portées devant le juge administratif ont été fortement remises en cause et beaucoup de dossier, sauf ceux que le tribunal veut bien traiter suivant la procédure d’heure à heure ce qui est rare , souffrent de lenteurs excessifs et  dans bien des cas quand l’ordonnance des référés est rendue ,  son exécution devient inefficace ou sans objet.Aussi il est souhaitable de revenir à l’ancien système du juge unique  qui protège mieux les justiciables.  

Maitre M.BRAHIMI

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