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Le référé-liberté : un outil efficace pour la protection des libertés fondamentales.

mohamed brahimi Par Le 15/04/2015

A l’instar des législations les plus évoluées , le nouveau Code de procédure civile et administrative algérien de 2008 a prévu une procédure particulière par laquelle le juge administratif peut d’une façon énergique et rapide sanctionner un acte émanant d’une autorité administrative portant atteinte à une liberté fondamentale. Il s’git du « référé-liberté »  prévu par l’article 920 du Code de procédure civile et administrative (CPCA).

Cet article 920 du CPPA énonce ce qui suit :« Statuant sur la demande visée à l’article 919 ci-dessus , justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde des libertés fondamentales auxquelles des personnes morales de droit public ou des organismes dont le contentieux relève des juridictions administratives auraient porté, dans l’exercice de leurs pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ».

 Cette disposition d’apparence anodine constitue en fait le socle sur lequel s’appuie l’exercice des droits fondamentaux du citoyen. Elle sanctionne tout acte émanant d’une  autorité administrative  susceptible de porter atteinte à ces droits. Malgré cela, rares sont les recours intentés devant les tribunaux administratifs algériens  sur la base de ce texte de loi et ce n’est pas faute d’inexistence de ces atteintes. Très épisodiquement la presse écrite ou audiovisuelle fait état par exemple de décisions administratives interdisant à des  associations ou partis politiques l’organisation de manifestations ou de réunions à caractère politique, social ou culturel, ou de décisions administratives refusant à un citoyen la délivrance de documents administratifs tel le passeport.

La liberté de manifestation, la liberté de réunion, la liberté pour toute association à caractère politique ou social légalement constituée de tenir des réunions , la liberté d’expression , la liberté d’aller et venir et de se déplacer hors du territoire national étant par excellence des libertés fondamentales, toute décision émanant d’une autorité administrative qui porterait atteinte à ces libertés peut être déférée devant le juge du référé-liberté et son exécution sera suspendue  si certaines conditions sont réunies,. Ainsi une décision administrative qui interdirait par exemple à un parti politique d’organiser une manifestation politique pacifique ou qui refuse de louer une salle publique pour y tenir réunion peut être annulée si cette décision n’est pas motivée ou si ses motifs ne sont pas pertinents.

Pour que le juge des référés décide de suspendre un acte ou une décision administrative portant atteinte à une liberté  fondamentale il faudrait la réunion de deux conditions que nous allons passer en revue :

I- Une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale

L’article 920 du CPCA est on ne peut plus claire. Le juge du référé-liberté n’ordonnera la suspension d’une décision administrative portant atteinte à une liberté fondamentale que si cette atteinte atteint un seuil de gravité exceptionnelle. Le texte de l’article 920 utilise l’expression « atteinte grave et manifestement illégale ».Il appartiendra bien sûr au demandeur de prouver cette atteinte. Il reviendra alors au juge d’apprécier et de qualifier la nature de cette atteinte au vu des allégations et des moyens fournis par le demandeur.

En outre il doit s’agir d’une «  liberté fondamentale » sinon le demandeur sera débouté. La loi n’a pas définie la notion de «  liberté fondamentale » aussi il revient à la jurisprudence de déterminer le contenu de cette liberté.La jurisprudence algerienne est malheureusement dépourvue d’exemples à même d’être cités comme référence mais la jurisprudence administrative français notamment le Conseil d’Etat a opté pour une approche selon laquelle est considérée comme liberté fondamentale les libertés garanties par des textes de valeur constitutionnelle ou internationale. Ainsi ont été considérées comme libertés fondamentales :la liberté de réunion, la liberté de manifestation, la liberté d’expression, la liberté d’opinion, le principe du pluralisme d’opinion, l’exercice du droit de suffrage et d’expression, la liberté de circulation, la liberté d’aller et venir ,le droit de se déplacer hors du territoire nationale , le respect de la vie privée, la liberté du culte, le droit à la défense, le droit de propriété, la liberté d’association , le droit syndical…Le texte français régissant le référé- liberté ( l’article 521-2 du Code de justice administrative) étant exactement le même que celui régissant le référé-liberté dans le Code de procédure civile et administrative algérien, cette jurisprudence française peut aisément être transposée dans l’ordre jurisprudentiel national

II-  La condition de l’extrême urgence

Quand le juge tranche un recours mettant en cause une liberté fondamentale, il doit suivant l’article 920-2 du CPCA rendre sa décision dans les 48 heures. Ce très court délai imposé au juge pour rendre sa décision implique nécessairement que la demande qui lui est soumise a un caractère d’extrême urgence.L’exigence de l’urgence est  expressément mentionnée à  l’alinéa 1 de l’article 920 du CPCA  qui énonce que le juge doit être saisi d’une demande « justifiée par l’urgence » .Au vu de ce  délai de 48 heures ,il faut que le demandeur apporte la preuve que sa demande doit être traité en urgence c'est-à-dire démontrer au juge  que sa décision doit intervenir sans délai et immédiatement. A défaut, le défendeur sera débouté.

A la différence des autres référés prévus par le CPCA tel le référé-suspension (article 919 CPCA)  ou le référé-mesures utiles appelé aussi  référé conservatoire (article 921-1 CPCA), l’urgence dans le référé-liberté doit avoir un caractère d’une urgence imminente qui ne doit souffrir d’aucun retard. La relation entre la condition de l’urgence et la condition de l’atteinte grave et manifestement illégale est très étroite, la première étant logiquement incluse dans la deuxième.

III-Les pouvoirs du juge de référé-liberté

Les pouvoirs du juge du référé-liberté  sont très étendus car  en vertu de l’article 920 du CPCA il peut «  ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde des libertés fondamentales ».La loi n’a pas énumérés les mesures que peut prendre le juge du référé- liberté  mais a laissé au juge le champ libre d’ordonner telle mesure qu’il jugera nécessaire en fonction du cas d’espèce. Il peut ainsi délivrer des injonctions quant bien même le requérant  ne l’a pas sollicité.

Si le juge du référé-liberté ne peut ordonner qu’une mesure provisoire et ne peut annuler une décision administrative ou prendre une mesure définitive ni d’ailleurs condamner l’auteur de l’atteinte à  des dommages et intérêts, il peut par contre enjoindre à l’auteur de l’atteinte de prendre telle mesure susceptible de sauvegarder l’exercice de la liberté fondamentale en cause, mais à la seule condition qu’il n’existe pas un autre moyen pour le juge d’atteindre le même but.

Ainsi le juge du référé-liberté peut par exemple ordonner à l’administration concernée de mettre à la disposition d’une association une salle ou un local pour y tenir une réunion, de délivrer au requérant dans un délai déterminé la carte d’identité ou le passeport, de restituer au requérant des documents d’identité illégalement retirés, d’apporter le concours de la force publique pour  l’exécution  d’une décision  d’expulsion…

Cette procédure du « référé-liberté » étant de création récente en droit algérien, il restera au justiciable algérien ,personne physique ou morale, de recourir à cette procédure toutes les fois qu’une décision administrative illégale car prise en violation de la loi porte atteinte à l’un de leurs droits fondamentaux. Le Code de procédure civile et administrative n’ayant pas, à l’instar d’ailleurs des législations étrangères, précisé et énuméré la notion de «  liberté fondamentale » c’est la seule manière de pousser les juridictions administratives algériennes à s’impliquer dans la défense de ces libertés en créant une jurisprudence fournie et adéquate.

Maitre M.BRAHIMI

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